Pour un bref rappel des faits, de sa sixième à huitième année, Christensen a subi environ une quarantaine d'abus perpétré par son confesseur, le curé Henri-Paul Lachance. Nous sommes au tournant des années quatre-vingts. Mis au courant par la pauvre petite de sa détresse, les parents de Christensen contacte l'archevêché de Québec, qui commet un acte odieux. L'Église affirme qu'elle va régler l'affaire «à l'interne» et enjoint la famille de ne pas porter plainte devant l'État. Lachance est alors chassé de sa paroisse et muté ailleurs au Québec, sans être davantage inquiété, pour peu que l'on sache.
(Photo : cmiper) Un cas clair où l'Église étouffe un scandale de pédophilie, un bien peu agréable visage à quelques jours d'une canonisation historique pour l'Église catholique du Québec |
Pour tout ceux parmi vous qui ne sont pas familier avec cette notion juridique, la prescription est une sorte de «date d'expiration» après laquelle il n'est plus possible de poursuivre quelqu'un au civil. En matière criminelle, cette notion n'existe pas. On peut suggérer qu'en matière civile, elle incarne l'idée qu'un grief qui tarde à être soulevé ne doit pas être si grave que ça. Dans le cas qui nous occupe, la clause générale de trois ans du Code civil s'applique. Cependant, dès 1992, la Cour suprême avait rendu un jugement estimant problématique la prescription dans les cas d'abus sexuel sur des mineurs puisqu'il s'agissait, en pratique, d'un rampart pour les pédophiles, puisque très peu d'enfants vont intenter des poursuites civiles dans le délai légal.
Ceci dit, si vous me permettez, une analyse sommaire. L'affaire est complexe, aussi je vous propose de me concentrer sur les impacts sur les différents acteurs et la justice en général. Commençons par Shirley Christensen. Bien que justice ait été rendue (bien qu'on puisse spéculer sur la peine, moins longue que le calvaire subi), la maintenant mère de famille est assise sur un magot potentiel très intéressant. Hélas, cela ne saurait pallier à la dévastation personnelle subie. Néanmoins, il s'agit d'une somme fort copieuse. Malheureusement, ma maigre connaissance du droit m'interdit de me prononcer sur la «gourmandise» dont la partie Christensen (elle-même ou ses avocats). Je me bornerai à dire que la dissimulation dont a fait preuve l'archevêché est condamnable et que cette mise à l'amende pourrait bien être que justice.
Parlons de l'Église. Sujet délicat vu son rôle spirituel. Moi-même catholique, j'éviterai les lieux communs sur les déviances généralisées des membres du clergé. En l'espèce, il s'agit d'une évidence et non seulement Lachance a-t-il déshonoré ses voeux, mais tout ceux dans la hiérarchie qui ont permis à cet individu méprisable de demeurer au sein de l'Église se sont montré indigne de leur devoir pastoral. Depuis le début des années quatre-vingt dix, le diocèse de Québec, où Lachance a sévi, s'est doté d'un protocole plutôt strict en matière de plainte concernant des abus sexuels. Si ceux-ci ont été perpétrés sur des mineurs, toute personnes du diocèse mise au courant se doit de rapporter le tout à la Direction de la protection de la jeunesse, avant tout autre traitement de la plainte par les instances diocésaines. Cela ne veut pas dire que des cas regrettables ne se reproduiront plus, mais il faut constateur que la faute la plus explicite dont l'Église s'est rendue coupable dans cette histoire n'est officiellement plus possible.
Il est compréhensible que l'Église tente d'éviter de payer les sommes réclamées par Christensen. J'estime plutôt rare les gens enthousiastes à l'idée de se départir d'un quart de million de dollars. Par contre, on peut déplorer que, sciemment pour sur avis de ses avocats, la partie défenderesse aie décidé de se réfugier derrière le délai de prescription. Une défense «facile» qui laisse planer une sanction implicite du comportement passé de l'archevêché. Ce qui, si j'étais un haut-responsable catholique au Québec ou au Canada, me ferait proférer des mots que je déconseillerais d'utiliser à mes ouailles.
Dans toute cette sombre affaire, il existe néanmoins une bonne nouvelle. Au su d'avis rendus précédemment par la Cour suprême, il est probable que le pourvoi de Christensen soit accueilli et que Québec soit sommé de modifier le code civil pour éliminer les délais de prescription en matière d'aggressions sexuelles sur des mineurs. Cela au su de la position générale de nos honorables Pères et Mères Noël sur tout ce qui distingue le Québec (comme sa tradition civiliste codifiée).
(Photo : Philippe Landreville) Les honorables Pères et Mères Noël |
"Au civil, on ne peut obtenir de compensation financière si la plainte est déposée au-delà d'un délai de trois ans, contrairement au criminel, où il n'existe aucun délai pour poursuivre l'auteur d'un crime."
RépondreEffacer~ Source: Radio Canada
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2010/10/13/001-prescription-agression-mineurs.shtml
Le problème que certains en psychologie médico-légale ont avec le principe est que cette date d'expiration ne prend pas en compte que certaines personnes victimes d'abus seront trop jeunes pour réaliser l'implication de la chose, et certains vont redouter de parler en public longtemps.
Éliminer ces délais semble la meilleure chose à faire.