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2 novembre 2010

De souveraineté et de la Nation

Illustration : Parti Québécois
Quel bonheur ! La semaine débute avec un feuilleton d'abats péquistes (au sein de querelles intestines), un bal lancé à la face du monde par une lettre ouverte publiée par Le Devoir. Signée par une cinquantaine de jeunes souverainistes, elle se présente comme une charge contre le «plan Marois». Aux camarades peu familières et peu familiers avec ce document, il cristallise la gouverne que Pauline Marois, chef de l'Opposition officielle et du parti québécois, compte donner à son éventuel gouvernement. Lorsque qu'elle a obtenu la chefferie, Marois avait frappé un grand coup et demandant à être libérée de l'obligation de tenir un référendum sur l'indépendance du Québec «le plus tôt possible à l'intérieur d'un premier mandat» (article 1er, programme du PQ adopté en 2005). Pour avoir été actif au Parti Québécois à l'époque, je peux témoigner que beaucoup y ont vu le retour à l'une des grandes orientations historiques du parti. Aux vocables de «bon gouvernement», de «conditions gagnantes» s'ajouterait «un référendum si nécessaire, mais pas nécessairement un référendum». À ses détracteurs, autant Marois que le parti qui l'a couronné va bientôt parler de «gouvernance souverainiste». Quid que cette gouvernance souverainiste ?

Un gouvernement souverainiste [...] utilisera tous les moyens à sa disposition pour mettre fin aux ingérences du gouvernement fédéral [...], assumera pleinement tous les pouvoirs du seul État de la nation québécoise et repoussera à sa limite le carcan constitutionnel canadien [...], prendra tous les moyens politiques et juridiques pour atteindre ses objectifs, tels le recours à la clause dérogatoire ou l’adoption de modifications constitutionnelles [et] déploiera une politique étrangère ayant pour objectif de promouvoir et défendre les intérêts du Québec sur la scène internationale [en négociant et signant] les traités internationaux dans les matières de sa compétence. Il préparera la reconnaissance internationale de la souveraineté du Québec. (Article 1.2, projet de programme du Parti Québécois)
Voici ci-haut la définition avec laquelle les éminences grises péquistes veulent aller affronter la population. En deux mots : «Toujours plus». Il s'agit d'une orientation controversée, car, selon moi, il existe quatre piliers fondamentaux dans l'identité péquiste : l'indépendantisme, le nationalisme, la démocratie et le progressisme. Les évènements de cette semaine portent sur l'arbitrage entre les deux premiers.

Photo : Mark Zuckerberg
Félix-Antoine Dumais-Michaud
Le premier signataire
L'opération tentée par «Les Cinquantes» (transparence totale, j'en connais quatre de nom et le Réseau social estime que j'en connais sept) s'inscrit dans la tendance politique qui fait primer l'indépendantisme sur le nationalisme. La logique de base est la suivante : être péquiste, c'est considérer que le salut du Québec passe par l'indépendance. Accéder à quelques velléités de réforme de la fédération canadienne revient à un aveu implicite de sa légitimité, c'est prendre «le beau risque» qui a détruit le ministère Lévesque dans les années quatre-vingts. Or, si on accepte cette proposition, toute discussion avec le fédéral ne peut qu'être stérile. Pourtant, des gouvernements du Parti Québécois ont souvent négocié par le passé des ententes avec Ottawa - par exemple, l'abolition de la protection constitutionnelle des commissions scolaires religieuses. De même, les signataires dénoncent l'idée selon laquelle l'intransigeance fédéraliste est un moteur du sentiment souverainiste, malgré le contre-exemple particulièrement éclatant de Meech.

Données : Léger Mercatique
L'évolution des intentions de vote référendaires de 1989 à 2010. Au bas du
graphique, des lignes du temps indiquent les partis au pouvoir à Québec,
à Ottawa et les chefs du Parti Québécois et du Parti libéral du Québec. On
constate aisément que le OUI s'est retrouvé en territoire positif devant l'agonie
de l'Accord du Lac Meech, devant l'intransigeance post-référendaires des
élites fédérales et suite au scandale des commandites.

 Sur les rapports infra-nationaux, les signataires dénoncent qu'une stratégie «autonomisante» aura pour effet de créer une situation ambigüe entre le PQ et son électorat fédéraliste. Pour emprunter une logique jadis énoncée par Mario Dumont, les gens sont assez intelligents pour savoir ce qu'une croix à coté un candidat péquiste peut entraîner. L'attaque formulée dans la lettre ouverte qui m'apparait la plus révélatrice est celle qui concerne les périls de la gestion provinciale, voyez plutôt :
C'est là toute une quadrature du cercle qui devra être résolue, en plus des obligations quotidiennes que doit inévitablement rencontrer un gouvernement: éducation, santé, dette, emploi, négociations avec le secteur public, etc. Autant d'éléments incontrôlables qui peuvent plomber l'élan d'un parti et par ricochet, l'option qu'il veut réaliser. Un gouvernement ne peut tirer dans toutes les directions. (Extrait de Transformer le rêve en projet)
Bref, s'évertuer à donner le meilleur État possible à nos compatriotes est un péril avant l'obtention de la pleine souveraineté. Je crois qu'on confond la fin et les moyens ici. N'est-pas précisément pour donner à notre Nation un instrument collectif à sa hauteur que nous chérissons le projet de faire du Québec une contrée libre de percevoir tout ses impôts, d'écrire toute ses lois et de signer tous ses traités, bref, un pays souverain ? Les gouvernements passés du Parti Québécois n'ont donc rien accompli puisque notre fleurdelysé ne flotte toujours pas le long de First Avenue ?

Photo : Parti Québécois
Christine Normandin
La présidente du Comité national des
jeunes du Parti Québécois
En conférence de presse, Christine Normandin, présidente de l'aile jeunesse du PQ, a rabroué l'initiative. Encore une fois, je dois avouer avoir entretenu des collaborations fructueuse avec Mlle Normandin ces dernières années. C'est ainsi sans grande surprise que j'ai assisté à sa sortie. C'est que je suis de ceux pour qui le service de la Nation devrait passer avant tout en politique. Je crois que la souveraineté du Québec est souhaitable et que le Canada ne sera jamais vraiment prêt à accepter ma Nation telle qu'elle est, avec ses aspirations et sa volonté de survivre en terre d'Amérique pour s'épanouir. Une politique froidement «référendariste» ne m'apparait nécessairement absoluement conforme à l'intérêt national. Tout gain obtenu sur Ottawa m'apparaît l'être par contre. Ma réponse est donc sans équivoque : qu'adviendra-t-il si jamais nous rendons le fédéralisme canadien si confortable que la pleine souveraineté ne sera plus ressentie comme une impérieuse nécessitée ?
TANT MIEUX
Mais n'ayez crainte, ce jour n'arrivera jamais.

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